Les présidentielles se sont terminées en eau de boudin. Interrompues dans de nombreuses circonscriptions en raison des protestations et des violences populaires engendrées par des irrégularités quasi généralisées: urnes déjà remplies de bulletins au nom de Jude; non conformité des listes entre l'extérieur et l'intérieur des bureaux de vote; vol ou sur-distribution de bulletins; observateurs refusés dans les bureaux de vote; mandataires des partis politiques refoulés; tirs à différents endroits du pays, 2 morts et plusieurs blessés; vote autorisé sans carte d'électeur; responsables de bureau pas membres partis ou du même parti politique; etc., etc. 18 des 19 candidats en lice – excepté Célestin – se sont joints pour réclamer l'annulation des élections. Un processus avec lequel le CEP s'est déclaré «confortable».
Mme Manigat ne parle pas de fraude, mais de sabotage. Quant à Michel Soukar, historien et analystes politique, la grossièreté de la fraude reflète le manque de respect du peuple du gouvernement en place et du parti INITE. «L'attitude de Pérval et sa clique ne peut pas même êre qualifiée de médiocre, elle est nulle tant elle est grossière. Ceux-ci doivent être boutés hors du territoire haïtien», a-t-il affirmé cette après-midi à la radio. Tous se lâchent et traitent Préval et son beau-fils de Jude de voyous, de voleurs, de menteurs, de tueurs, de lâches, de profiteurs, d'incompétents, etc. Les voix se font enfin entendre sur la réalité de ce que ce gouvernement a fait subir à chaque Haïtienne et Haïtien en ne faisant RIEN!
Ma journée avait pourtant commencé dans le calme, un faux calme. Dès 05:30, visite d'un bureau de vote à Lamothe qui a fini par ouvrir ses portes à 06:50 aux électeurs.
Descente sur Pétion-Ville puis au centre de PaP. Personne dans les rues. Pas même au marché près du cimetière désaffecté de Pétion-Ville, ni même près des camps du Champ de Mars. Ni piétons, ni marchandes, ni voitures privées, ni tap-tap, les motos étant interdites de circulation ce dimanche. Seuls les blindés de la MINUSTAH empruntent les rues défoncées.
Du coup, les dégâts du séisme du 12 janvier sont encore plus frappants. Comme si c'était hier. PaP est une ville fantôme d'après guerre ou d'après bombe. Si je n'avais eu les élections à couvrir, j'aurais bien pris le temps de croquer cette ambiance unique et irréelle... Quelques clichés sur le chemin...
Les premières infos d'irrégularités arrivent au Centre National d'Observation des Elections (CNO): énervement des électeurs au Collège des Pères Salésiens à Pétion-Ville, le superviseur du centre ne veut pas afficher les listes des électeurs autorisés à voter dans ce centre. En province, les premiers mandataires et observateurs sont jetés hors d'un centre de vote. Dans le sud, à Roseau, près de Jérémie, le vice-délégué et ses collègues sèment la pagaille et dissuadent la population de voter en tirant en l'air. A Marigot – Jacmel, les bulletins sont déjà cochés. Et tandis que les incidents se multiplient dans le pays, les rues demeurent désespérément vides. Constat est fait que l'affluence devrait être moindre qu'en 2006...
A 09:00, nous sommes au Lycée Alexandre Pétion, le plus ancien établissement scolaire de PaP, où les esprits s'échauffent. Plusieurs superviseurs empêchent les mandataires des partis à observer le bon processus de vote sous prétexte que les bureaux de vote sont trop exigus. Visite faite, la raison n'est tant valable. Certains bureaux n'ont d'ailleurs toujours pas ouvert, ce qui suscitent protestations et cris des électeurs qui attendent pour certains depuis 3 heures. Des électeurs sont furieux car leur nom n'est pas sur les listes, alors qu'ils avaient l'habitude de venir voter dans ce centre. Le CEP (Centre Electoral Provisoire) de concert avec le COV (Centre d'Observation et de Votations) les ont envoyé très loin de chez eux, notamment les résidants des camps. Ce alors que ceux-ci logent dans ces abris de fortune généralement non loin de leur ancien lieu de résidence... Un acte délibéré? Des rumeurs persistantes font état d'une complicité entre le CEP et INITE. Le CEP a lui-même modifié les adresses de certains électeurs alors que cette tâche incombe à l'ONI (Organe national d'identification). Lequel a annoncé un changement d'adresse pour 5600 personnes, contre 300'000 pour le CEP!
Ailleurs les incidents se poursuivent: on signale des tirs à Colonie, Grand Basin et Terrier Rouge; à Fort Liberté, les bureaux de vote n'ont pas ouvert; à PaP, plusieurs problèmes dans plusieurs centres. Dans le Plateau Central, on distribue 10 bulletins de vote aux électeurs. A Saint-Marc, les partisans du parti INITE sont armés et font pression sur la foule. Plusieurs autres bureaux de vote s'avèrent difficile d'accès pour les électeurs. La pression monte un peu partout...
Retour à Pétion-Ville: beaucoup de monde sur la place Saint-Pierre devant le Centre de vote: nombreux médias étrangers – ce sont les Blancs ;-)) - et d'observateurs étrangers – des Blancs toujours: la Francophonie (?), l'OEA, etc. Les électeurs tentent de se trouver sur les listes. Beaucoup de mécontents. Petite ronde autour de la place de près de 200 partisans de Martelly qui scandent son nom en brandissant sa photo.
10:00, petit détour par la RTNH (radio-télévision nationale haïtienne). Malgré les problèmes, tout le personnel en activité compte se rendre aux urnes dans l'après-midi.
La députation annule le vote à Jacmel. 2 morts annoncés dans le centre. Rumeurs d'une alliance entre INITE et Martelly pour le second tour. Préval vient de faire une déclaration à la radio après avoir voté qu'un 2e tour est certain... Tiens donc!
11h00: radio MINUSTAH confortablement installée au sein du camp central de la MINUSTAH situé entre l'aéroport international et local. Difficultés à l'entrée. Interview de Nigel Fischer, coordinateur humanitaire auprès des Nations Unies sur la possible propagation du Choléra durant les élections. Celui-ci se veut rassurant, ce d'autant plus que des précautions ont été prises au niveau des Centres de vote avec la distribution de savon, notamment. Rien vu de tel!
De son côté, la représentante de l'UE, Marie Violette César, regrette le manquement de la population haïtienne à aller voter... On croit rêver! Elle se déclare également peu inquiète quant à d'éventuelles fraudes... Elle devait parler d'un autre pays...
A Pestel, Grande Anse, fermeture de 3 bureaux pour cause d'irrégularités des membres du Centre de vote nommés par le CEP lui-même et proches du pouvoir en place. Fermeture également à Marigot. Dans l'Artibonite, au Lycée du Bicentenaire, un jeune garçon a été arrêté après avoir voté à plusieurs reprises... Au Cap-Haïtien, les urnes sont déjà remplies... Aux Cayes, manifestations et tirs d'armes à feu. A Baladère, deux centres de vote ont pris les accréditations des observateurs et les ont mis à la porte.
La frustration des électeurs se muent en contestation. Manifestations de plus en plus violentes au Lycée Pétion et ailleurs dans le pays.
14h00: 14 candidats en lice (Manigat, Baker, Alexis, Martelly, Voltaire, Céant, Jeudy, Voltaire, Bijou, Neptune, Charles, Laguerre, C.Jeune et L.Jeune) font parvenir aux médias un communiqué commun demandant l'annulation du scrutin. Les paroles se délient et crient leur haine et leur ras-le-bol.
Durant les deux heures avant la clôture du scrutin, les radios se déchaînent, tandis que les centres de vote ferment prématurément dans tout le pays par crainte de davantage de violence. Un peu partout, les rues sont envahaies d'électeurs furieux, manifestant pour le départ de Préval, déchirant toutes les affiches du beau-gosse aux 22 enfants non-déclarés.
Edmond Mulet, le chef de la MINUSTAH, convoque une réunion d'urgence avec la communauté internationale. Le communiqué est édifiant! En résumé: calmez-vous sinon vous allez faciliter la propagation du choléra... J'en reste muette de honte!
Avec la nuit, le calme est revenu. Sans électricité, difficile en effet de se réunir...
Demain sera sans aucun doute un jour crucial dans l'histoire d'Haïti... Le jour se lèvera-t-il sur PaP?
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