Retour au pays natal

Qu'il soit cahier d'Aimé Césaire
ou énigme romanesque de Dany Laferrière,
chaque retour est une aventure sanguine,
une quête aux racines sous-marines de sa terre,
belle comme l'oxygène naissant,
forte à renverser les mondes aplatis,
accroupie devant la boulimie d'images,
bavarde et muette d'inquiétude, d'amnésie, de faim.
Lumineusement obscure
jusqu'au bout du petit matin...


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lundi 29 novembre 2010

Les dindons de la farce Préval

Le jour s'est levé, sous un épais brouillard au sens propre comme au figuré. Comme au lendemain d'une mauvaise cuite. Désertée, PaP est calme, absente. 
Avec dans la bouche, le goût aigre des déclarations de la communauté internationale du jour ajoutée à celles déjà particulièrement hypocrites de la veille. Durant la nuit, Préval a semble-t-il commencé à négocier son départ vers le Brésil. Mais, voilà que la communauté internationale - largement dirigée par les Américains - a déclaré ce matin ne pas être en faveur d'un départ de Préval... Selon eux, le premier tour des présidentielles fantoches auxquelles nous avons assisté hier doit être reconduit. Pour ce faire, il faudra remplacer le CEP, sur qui toute la faute devrait retomber - même si le CEP était à la solde de Préval et de Célestin -, ce même CEP qui a validé hier soir le scrutin... Un processus  qui va prendre au moins six mois... 
Autant dire que Préval a réussi un coup de maître: non seulement il demeure à la tête du pays et lavé de tout soupçon, mais surtout il prolonge son mandat!!!! Un sabotage ultra-fin puisque Célestin et sa clique pourraient bien être jugé à la requête de la communauté internationale: Jude pour meurtres du journaliste Marcello et de l'Ambassadeur de France, les autres pour trafic de cocaïne. Tant pis pour son beau-fils, ou plutôt tant mieux. Voilà Préval débarrassé d'un obstacle devenu de plus en plus gênant pour sa retraite dorée... 
Dans l'intervalle, voilà que ce douteux Martelly a retourné sa veste: Switch Micky, le désigne-t-on désormais dans les médias. 
Tandis que dimanche, il se tenait au premier rang des candidats réclamant l'annulation des élections, et qu'avec ses partisans - Wyclef Jean en tête - il semait des troubles à Pétion-Ville, le Martelly-chanteur a une nouvelle fois baissé sa culotte. Mais au figuré cette fois-ci! En fin de matinée ce lundi, il déclarait en effet à la radio qu'il n'avait pas signé un papier officiel pour l'annulation des élections et qu'il était prêt à reconnaître la validité du scrutin qui devrait être annoncée dans 2 jours par le CEP. Ce, tout juste après de nouvelles déclarations du directeur du CEP questionnant les candidats signataires sur le maintien de leur retrait en cas de victoire... 
Dimanche soir, des officiels - dont des Américains - se sont rendus chez Switch Micky... Ce, alors que la rumeur a couru toute la journée des élections sur une alliance entre lui et Célestin. 
Comme il n'y a jamais de fumée sans feu, on peut sans se risquer avancer qu'une alliance a en effet été scellée entre Préval, Célestin et Martelly, avec le blanc-seign de la communauté internationale - en premier lieu, des Américains - qui n'entend pas perdre un seul sou de ses pseudo-investissements dans le pays et surtout pas de l'exploitation du pétrole, des mines et de la main-d'oeuvre à bon marché. De plus adouber Martelly reviendrait à satisfaire une partie du peuple haïtien qui plébiscite malheureusement bien souvent un incompétent populaire au pouvoir. L'erreur aristidienne n'est pourtant pas si loin... 
On pourrait donc bien assister à une victoire truquée de Martelly, à un exil doré de Préval, à un jugement différé aux calendes grecques de Célestin, et au commencement d'une nouvelle ère de populisme en Haïti. Ce d'autant plus que les Manigat ne sont pas en odeur de sainteté auprès des Américains, leur exil au Venezuela ne leur ayant pas vraiment plu... Reste que Mâdame l'intello s'est aussi rétractée cette fin d'après-midi car "il y a de nouvelles données, alors je peux revenir sur ma décision", a-t-elle laconiquement déclaré! Quelles données? Un accord avec Préval pour un poste au ministère et quelques grosses voitures comme celle blindée qu'elle a déjà reçu de Préval??? Le choix du moins pire, m'avait-on dit ici. Un choix que je n'ai jamais plébiscité, pour ma part, bien m'en a pris... 
Une belle brochette de s... avec dans le rôle de l'as de la filouterie, Préval. Et pendant ce temps, les 1,5 million de sinistrés vont rester croupir dans leurs détritus, la population continuer à être exploitée aux fins financières de ce voyou et de ses copains, et à mourir du choléra par désintérêt total de leur sort...

Le sabotage organisé des élections, comme disait hier la candidate Manigat, traduit une stratégie des plus fines. A vomir... comme ceci... 




         






Photos du cimetière au centre de Pétion-Ville transformé en fosses d'aisance à ciel ouvert (lire mon papier du 22 novembre)






Je pense à Pierre France, responsable hygiène et santé du Camp Boyer à Pétion-Ville (à gauche) et au père de cette famille (à droite) dont les neuf membres ont contracté le choléra la semaine dernière (l'un de ses garçons se lavant les mains dans une fontaine généreusement offerte par l'UNICEF pour les 4000 résidants du Camp Boyer!), et à tous les autres... 



Dernière news dans la même veine: Le secrétaire général adjoint de l'Organisation des Etats américains (OEA), Albert Ramdin, a jugé lundi que l'élection présidentielle en Haïti était valide, "malgré les irrégularités", qui devront selon lui "faire l'objet d'une enquête".
Une fois de plus, tout peut arriver en Haïti... 



dimanche 28 novembre 2010

Elections: le fiasco du parti au pouvoir n'est-il pas délibéré?

Les présidentielles se sont terminées en eau de boudin. Interrompues dans de nombreuses circonscriptions en raison des protestations et des violences populaires engendrées par des irrégularités quasi généralisées: urnes déjà remplies de bulletins au nom de Jude; non conformité des listes entre l'extérieur et l'intérieur des bureaux de vote; vol ou sur-distribution de bulletins; observateurs refusés dans les bureaux de vote; mandataires des partis politiques refoulés; tirs à différents endroits du pays, 2 morts et plusieurs blessés; vote autorisé sans carte d'électeur; responsables de bureau pas membres partis ou du même parti politique; etc., etc. 18 des 19 candidats en lice – excepté Célestin – se sont joints pour réclamer l'annulation des élections. Un processus avec lequel le CEP s'est déclaré «confortable».
Mme Manigat ne parle pas de fraude, mais de sabotage. Quant à Michel Soukar, historien et analystes politique, la grossièreté de la fraude reflète le manque de respect du peuple du gouvernement en place et du parti INITE. «L'attitude de Pérval et sa clique ne peut pas même êre qualifiée de médiocre, elle est nulle tant elle est grossière. Ceux-ci doivent être boutés hors du territoire haïtien», a-t-il affirmé cette après-midi à la radio. Tous se lâchent et traitent Préval et son beau-fils de Jude de voyous, de voleurs, de menteurs, de tueurs, de lâches, de profiteurs, d'incompétents, etc. Les voix se font enfin entendre sur la réalité de ce que ce gouvernement a fait subir à chaque Haïtienne et Haïtien en ne faisant RIEN!

Ma journée avait pourtant commencé dans le calme, un faux calme. Dès 05:30, visite d'un bureau de vote à Lamothe qui a fini par ouvrir ses portes à 06:50 aux électeurs. 


Descente sur Pétion-Ville puis au centre de PaP. Personne dans les rues. Pas même au marché près du cimetière désaffecté de Pétion-Ville, ni même près des camps du Champ de Mars. Ni piétons, ni marchandes, ni voitures privées, ni tap-tap, les motos étant interdites de circulation ce dimanche. Seuls les blindés de la MINUSTAH empruntent les rues défoncées.


Du coup, les dégâts du séisme du 12 janvier sont encore plus frappants. Comme si c'était hier. PaP est une ville fantôme d'après guerre ou d'après bombe. Si je n'avais eu les élections à couvrir, j'aurais bien pris le temps de croquer cette ambiance unique et irréelle... Quelques clichés sur le chemin...

       

Les premières infos d'irrégularités arrivent au Centre National d'Observation des Elections (CNO): énervement des électeurs au Collège des Pères Salésiens à Pétion-Ville, le superviseur du centre ne veut pas afficher les listes des électeurs autorisés à voter dans ce centre. En province, les premiers mandataires et observateurs sont jetés hors d'un centre de vote. Dans le sud, à Roseau, près de Jérémie, le vice-délégué et ses collègues sèment la pagaille et dissuadent la population de voter en tirant en l'air. A Marigot – Jacmel, les bulletins sont déjà cochés. Et tandis que les incidents se multiplient dans le pays, les rues demeurent désespérément vides. Constat est fait que l'affluence devrait être moindre qu'en 2006...

A 09:00, nous sommes au Lycée Alexandre Pétion, le plus ancien établissement scolaire de PaP, où les esprits s'échauffent. Plusieurs superviseurs empêchent les mandataires des partis à observer le bon processus de vote sous prétexte que les bureaux de vote sont trop exigus. Visite faite, la raison n'est tant valable. Certains bureaux n'ont d'ailleurs toujours pas ouvert, ce qui suscitent protestations et cris des électeurs qui attendent pour certains depuis 3 heures. Des électeurs sont furieux car leur nom n'est pas sur les listes, alors qu'ils avaient l'habitude de venir voter dans ce centre. Le CEP (Centre Electoral Provisoire) de concert avec le COV (Centre d'Observation et de Votations) les ont envoyé très loin de chez eux, notamment les résidants des camps. Ce alors que ceux-ci logent dans ces abris de fortune généralement non loin de leur ancien lieu de résidence... Un acte délibéré? Des rumeurs persistantes font état d'une complicité entre le CEP et INITE. Le CEP a lui-même modifié les adresses de certains électeurs alors que cette tâche incombe à l'ONI (Organe national d'identification). Lequel a annoncé un changement d'adresse pour 5600 personnes, contre 300'000 pour le CEP!

  

Ailleurs les incidents se poursuivent: on signale des tirs à Colonie, Grand Basin et Terrier Rouge; à Fort Liberté, les bureaux de vote n'ont pas ouvert; à PaP, plusieurs problèmes dans plusieurs centres. Dans le Plateau Central, on distribue 10 bulletins de vote aux électeurs. A Saint-Marc, les partisans du parti INITE sont armés et font pression sur la foule. Plusieurs autres bureaux de vote s'avèrent difficile d'accès pour les électeurs. La pression monte un peu partout...
Retour à Pétion-Ville: beaucoup de monde sur la place Saint-Pierre devant le Centre de vote: nombreux médias étrangers – ce sont les Blancs ;-)) - et d'observateurs étrangers – des Blancs toujours: la Francophonie (?), l'OEA, etc. Les électeurs tentent de se trouver sur les listes. Beaucoup de mécontents. Petite ronde autour de la place de près de 200 partisans de Martelly qui scandent son nom en brandissant sa photo.



10:00, petit détour par la RTNH (radio-télévision nationale haïtienne). Malgré les problèmes, tout le personnel en activité compte se rendre aux urnes dans l'après-midi.


La députation annule le vote à Jacmel. 2 morts annoncés dans le centre. Rumeurs d'une alliance entre INITE et Martelly pour le second tour. Préval vient de faire une déclaration à la radio après avoir voté qu'un 2e tour est certain... Tiens donc!

11h00: radio MINUSTAH confortablement installée au sein du camp central de la MINUSTAH situé entre l'aéroport international et local. Difficultés à l'entrée. Interview de Nigel Fischer, coordinateur humanitaire auprès des Nations Unies sur la possible propagation du Choléra durant les élections. Celui-ci se veut rassurant, ce d'autant plus que des précautions ont été prises au niveau des Centres de vote avec la distribution de savon, notamment. Rien vu de tel!
De son côté, la représentante de l'UE, Marie Violette César, regrette le manquement de la population haïtienne à aller voter... On croit rêver! Elle se déclare également peu inquiète quant à d'éventuelles fraudes... Elle devait parler d'un autre pays...
A Pestel, Grande Anse, fermeture de 3 bureaux pour cause d'irrégularités des membres du Centre de vote nommés par le CEP lui-même et proches du pouvoir en place. Fermeture également à Marigot. Dans l'Artibonite, au Lycée du Bicentenaire, un jeune garçon a été arrêté après avoir voté à plusieurs reprises... Au Cap-Haïtien, les urnes sont déjà remplies... Aux Cayes, manifestations et tirs d'armes à feu. A Baladère, deux centres de vote ont pris les accréditations des observateurs et les ont mis à la porte.
La frustration des électeurs se muent en contestation. Manifestations de plus en plus violentes au Lycée Pétion et ailleurs dans le pays.

14h00: 14 candidats en lice (Manigat, Baker, Alexis, Martelly, Voltaire, Céant, Jeudy, Voltaire, Bijou, Neptune, Charles, Laguerre, C.Jeune et L.Jeune) font parvenir aux médias un communiqué commun demandant l'annulation du scrutin. Les paroles se délient et crient leur haine et leur ras-le-bol.
Durant les deux heures avant la clôture du scrutin, les radios se déchaînent, tandis que les centres de vote ferment prématurément dans tout le pays par crainte de davantage de violence. Un peu partout, les rues sont envahaies d'électeurs furieux, manifestant pour le départ de Préval, déchirant toutes les affiches du beau-gosse aux 22 enfants non-déclarés.
Edmond Mulet, le chef de la MINUSTAH, convoque une réunion d'urgence avec la communauté internationale. Le communiqué est édifiant! En résumé: calmez-vous sinon vous allez faciliter la propagation du choléra... J'en reste muette de honte!
Avec la nuit, le calme est revenu. Sans électricité, difficile en effet de se réunir...
Demain sera sans aucun doute un jour crucial dans l'histoire d'Haïti... Le jour se lèvera-t-il sur PaP?



samedi 27 novembre 2010

Dimanche, tout peut arriver



Demain, c'est le grand jour. Pas uniquement pour moi, mais pour tout un pays qui refuse en masse la "Sélection" et qui devrait l'exprimer. Ces derniers jours, il semble que le chanteur Sweet Micky ait fait une remontée assez importante auprès des électeurs. On entend beaucoup parler de lui... 
Quant à Céant, il a sans doute fait une erreur fatale en distribuant, vendredi, une petite carte de soutien à son effigie et, au verso, une photo... d'Aristide!!!! ça en a choqué plus d'un dont des pro-Céant qui pourraient bien changer leur fusil d'épaule... 
Et ce samedi soir, la rumeur court qu'au Cap-Haïtien, un douanier aurait intercepté des urnes bourrées de liste en faveur de Célestin... 
En attendant de voir si tout arrive, voici à nouveau une excellente analyse de Leslie Péan sur l'irresponsabilité du gouvernement actuel... Tout est dit, chapeau bas. 


https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=explorer&chrome=true&srcid=0B0URDZkeoMeRYzI5YzIwMmEtM2YzNy00NzQzLWI5ZTUtNDUyM2QyYzc4OGNm&hl=fr&authkey=CKm6j_QN



mercredi 24 novembre 2010

«Manigat, c'est la moins pire!»... pour le meilleur?

Tambours d'une kumbit non loin qui se perdent dans le ronron sourd des hélicos sillonnant la nuit noire haïtienne. Dernier mercredi soir, mais non derniers événements... Tant de mots et d'images encore à écrire, à saisir, à venir. 
Comme ce condensé de la situation:





Dimanche dernier, une dizaines de femmes, des mulâtresses de la classe moyenne pour la plupart, discutaient politique. Faut dire que mise à part l'épidémie de choléra, les élections sont le sujet de toutes les conversations depuis plus de deux semaines.
A 7 jours du scrutin, la grande majorité d'entre elles ne savaient toujours pas pour quel candidat voter et tentaient d'affiner leurs opinions en les confrontant avec celles des autres. Unanimes autour du fait qu'il vaut mieux voter pour n'importe qui sauf pour Célestin - et certains autres candidats de la liste proche de lui malgré leur soi-disant prise de distance comme Céant -, elles n'en étaient pas moins dubitatives sur les capacités des papables à changer la donne et à relever le pays. Et on les comprend. De mon point de vue d'occidentale – ici, tout le monde vous fait bien comprendre que vous n'êtes pas du pays et donc que vous n'y comprenez rien! -, aucun des 19 candidats en lice n'a l'étoffe d'un président apte à gérer une problématique pays qui concentre à elle seul toutes les obstacles et tous les travers des pays en voie de développement: système de classes à la sud-africaine avant la fin de l'apartheid avec des écarts sociaux extrême; mafia; corruption – le dernier classement de Transparency International qui assure qu'Haïti a fait des efforts dans ce domaine m'a fait bien rigoler!; trafics en tous genre (drogue, armes, enfants...); violence; misère; famine; absence d'infrastructures, de structures sociales, politiques, administratives, économiques, commerciales, éducatives, d'eau potable, etc. Bref, l'anarchie.
Mais, revenons aux discussions politiques dominicales à l'ombre des pins. Le choix – puisqu'il faut en faire un! - s'appelle Baker, Martelly ou Manigat.
Si Baker a fait, au début de la campagne, grande impression notamment grâce à son passé d'homme d'affaires à succès dans les industries du tabac et du textile – c'est surtout la création d'emplois qui a marqué les esprits -, son extrême rigueur lui porte finalement préjudice. Certes, il faudra imposer des changements. Ceux-ci devront toutefois tenir compte non seulement de l'histoire politique et sociétale de l'exploitation – il ne faut pas croire que Toussaint-Louverture a réellement abandonné le système mis en place par les colons, quoi qu'en dise la légende -, d'une structure, en début de mandat du moins, encore largement aux mains du pouvoir actuel, mais aussi d'un peuple qui ne veut plus, et surtout ne peut plus, supporter de nouvelles mesures d'austérité, même si celles-ci s'avèrent nécessaires. Sans parler de la compétence politique toute relative de Baker. Quant à moi, l'occidentale, son profil d'entrepreneur libéral me séduit davantage que d'autres. L'Etat haïtien – pour autant qu'on puisse qualifier la Nation haïtienne d'Etat en l'absence totale d'organisation et de structures - aurait tout à gagner, dans un premier temps, à être remis sur les rails selon les règles économico-financières de gestion d'entreprise: compétences, business plan, objectifs, résultats, etc. Mais, ce n'est pas mon vote, ni mon pays!!!
Quant à Michel Martelly, si d'aucunes lui reconnaissent sa capacité à galvaniser les foules, à traduire ses idées avec des mots compréhensibles de tous – contrairement à d'autres candidats plus érudits! –, on lui reconnaît aussi un passé artistique qui sent le souffre et des fréquentations troubles avec le pouvoir actuel – un certain lien de parenté avec Préval notamment – et avec les milieux mafieux de la drogue. Sa totale ignorance des arcanes de la politique ajoutée à un caractère plutôt explosif et tranché, dans un pays où la mentalité est davantage empreinte de consens que de confrontation, alimentent les craintes d'un échec à court-moyen terme.
Reste Mirlande Manigat, LA femme en lice. Son âge – 70 ans –, son passé – ex-première dame de la République en 1987 et ex-candidate sénatrice ayant jeté l'éponge en 2006 par solidarité soi-disant avec son mari Leslie Manigat, alors candidat évincé de la course aux présidentielles, ses discours – émaillés d'érudition -, l'implication de son mari dans sa candidature actuelle et son éventuel mandat à la présidence sont autant de doutes soulevés par ces dames. Les rumeurs d'un soutien de Préval ne sont pas faites pour éclaircir les choses. Quant à son entrevue avec Préval, il n'en est sorti que des banalités qui ne trompent guère. Préval est un fin calculateur. On susurre le mot «amnistie». De mon point de vue, la société haïtienne aurait tout à gagner à s'inspirer du processus de vérité et de réconciliation réalisé en Afrique du Sud. Pour en finir une fois pour toute avec ce système de classes, il faut une réconciliation entre elles. Le bas peuple, surtout, soit la majorité de la population, a besoin d'entendre que l'on s'est servi de lui à des fins purement égoïstes et spéculatives et que l'incurie de ce gouvernement, comme celle des précédents, sera condamnée au titre de mise en danger de la vie d'autrui. Ce, dans le but de rallier ces masses désillusionnées, de leur redonner espoir et confiance pour qu'elles s'impliquent pleinement dans ce processus de rupture vers la démocratisation. Encore un point de vue d'Occidentale....
Revenons à Mirlande. Si elle est en odeur de sainteté auprès d'une certaine élite intellectuelle, notamment pour son penchant constitutionnaliste - il faudra effectivement remanier entièrement la Constitution d'Haïti qui, depuis Toussaint-Louverture, n'a pas vraiment évolué vers la démocratie et la modernité – , Manigat fait cependant preuve, à mon avis (encore...), d'une mollesse dérangeante, d'une absence crasse d'originalité et de réelles solutions dans son programme. Et c'est sans parler du fait que – comme tous les candidats de l'opposition – elle va devoir, si elle est élue, composer avec un parlement et ses chambres à majorité jaune-verte du parti actuellement au pouvoir. On voit mal comment cette dame d'un âge certain aura l'énergie et la poigne pour se faire respecter et imposer ses choix. Reste qu'elle est en tête des intentions de vote, ce qui lui confère le statut d'outsider favori contre Jude Célestin. Le quatrième et dernier sondage avant les élections, publié hier, fait même état d'une progression notoire de la candidate du RDNP (36% des intentions de vote, en hausse de 6 points par rapport au précédent sondage) creusant ainsi l'écart avec son challenger, Jude Célestin, qui recule d'un point à 20,3%. Martelly et Céant maintiennent leurs positions dans le classement avec respectivement 14% et 10% des intentions de vote. Mais, ce qui rassure surtout c'est que le «beau gosse», qui remporte 3 départements sur 10 que compte le pays, ne totalise ainsi que 700'000 voix contre 4 millions en faveur de Manigat.
Ce sondage confirme que les électeurs haïtiens devraient majoritairement plébisciter Manigat. Ce vote de défiance du pouvoir actuel devrait la placer face à Jude au deuxième tour le 16 janvier, soit à peine 4 jours après la commémoration de l'an 1 de Goudougoudou. Même s'il s'agit le vote du «moins pire», c'est peut-être là l'essentiel pour amorcer enfin un changement. Ce qui ne peut être que le meilleur pour ce pays.
Encore faudra-t-il passer l'écueil du deuxième tour, qui s'annonce tout aussi mouvementé que le premier. Le travail a déjà commencé dans la perspective d'un duel Manigat-Célestin. L'appui des candidats non élus s'avère en effet crucial. Et pourquoi pas ne pas intégrer dans le futur gouvernement les compétences évidentes de certains d'entre eux? Cela permettrait non seulement d'évincer les collabo aux postes-clés du pouvoir mais, dans le même temps, de consolider la position de Manigat.
Car finalement, si aucun des 18 candidats à la présidentielle (Jude exclu en tant que représentant de la continuité d'une politique castratrice et destructrice de valeurs) n'a vraiment l'étoffe d'un président –d'ailleurs qui l'aurait dans un tel contexte?-, certaines de ces individualités mises en commun au service du pays autour d'une figure en rupture avec l'idéologie patriarcale dominante pourraient peut-être enfin permettre un petit miracle: celui de la délivrance de tout un peuple...

lundi 22 novembre 2010

Cimetière aigreur, cimetière couleurs

Nous y sommes. Dimanche, le peuple haïtien devrait savoir si ses espoirs de rupture et de changements seront satisfaits. Mais, d'ici là, tout peut encore arriver. Et ce n'est rien de le dire ou de l'écrire concernant un pays où la Constitution et sa cohorte de lois ne sont édictées que pour satisfaire les critères théoriques internationaux de démocratie. Ici, personne n'en est dupe. Toutes les écoles du sud de PaP sont de ce fait fermées dès aujourd'hui jusqu'à mercredi prochain. Et au plus tard vendredi, la même mesure sera appliquée à l'ensemble des établissements scolaires du pays. C'est tout dire...


Beaucoup d'hélicoptères déjà dans le ciel de PaP en ce matin plus que frais et venteux. Au rang des nouvelles, les enfants kidnappés, apparemment détenus sous une tente à Kenscoff, un repère de taupes au sein de la police, ont été relâchés vendredi dernier. La rançon versée n'a été finalement que de 20'000 dollars. Toutefois, l'affaire sent le souffre et d'aucuns parlent désormais d'un enlèvement organisé...


Quant à l'épidémie de Choléra, il n'y a d'autres mots que "catastrophe humanitaire". 1000 nouveaux cas par jour, et rien n'a réellement changé au niveau des conditions sanitaires du peuple haïtien. Faute de choix, ceux-ci continuent à faire leurs besoins partout (dans les rivières, sur les trottoirs, dans les rizières, etc.) pendant que d'autres se lavent, font la lessive et puisent de l'eau aux mêmes sources. 
A Kenscoff encore, deux Haïtiens ont été lapidés, au sens propre du terme, par la population ce we. Ces deux ignobles individus ponctionnaient les liquides des morts du choléra pour les injecter dans les immenses matelas gonflés d'eau que les ONG mettent à disposition des habitants des camps...
Lire l'excellent article de la journaliste haïtienne en exil Nancy Roc "Le Choléra et la loi de l'Omerta" paru dans le Nouvelliste en fin de semaine dernière:


https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=explorer&chrome=true&srcid=0B0URDZkeoMeRODg3ZGU4NTMtNDFhNy00YmMwLWEyYmQtYzZlMjEwMjg3YWNh&hl=fr&authkey=CMGeiM4J


Au centre de Pétion-Ville, il y avait un cimetière dont l'utilisation avait déjà été stoppée avant le séisme en raison de la pollution (!) que généraient les inhumations. La mairesse de Pétion-Ville, Claire-Lydie Parent, dans l'un de ses nombreux éclairs de génie, a décidé de le déplacer et de convertir cet espace en gare routière. Un projet apparemment sensé au milieu d'une agglomération si fréquentée, bien qu'il n'existe aucune infrastructure de ce genre dans tout le pays. Les démolisseurs achevèrent le travail du séisme. Depuis, c'est un terrain vague, faute de fonds, qui sert de latrines à ciel ouvert aux dizaines de dizaines de marchandes et de passants qui s'agglutinent sur les trottoirs, de décharge publique et de parc à bestiaux dont seuls les porcs se réjouissent. Le tout au milieu d'ossements de cadavres non récupérés par les familles lors du déblaiement du cimetière... Encore appelé "le cimetière" faute de réaffectation, cet immense cloaque porte, malheureusement, bien son nom...


En parlant de cimetière, j'ai visité celui qui se situe près de Soisson-la-Montagne. Un modeste cimetière décoré par les paysans de la région regroupés sous le collectif de Saint-Soleil, en hommage à l'astre solitaire qui intimide tant Zaka, le dieu paysan chez les vaudouisants. Une expérience picturale originale qui a pris corps en 1971. A cette époque, les peintres Maud Robbart Gerdes et Jean-Claude Garoute, dit Tiga, incitent un groupe de paysans à développer leur sens artistique par la peinture, la sculpture, le théâtre et le chant. Le groupe initial, formé de Levoy, Louisiane Saint-Fleurant, Denis Smith et Prospère Pierre-Louis, prend le nom de Saint-Soleil et s'adonne à une peinture qui se démarque de celle dite naïve, pour constituer une forme d'art sacré (ils sont vaudouisants) très libre. Les artistes "peignent comme il leur plaît ce qu'ils ne représentent pas", raconte André Malraux qui visite le lieu en 1975. Ils tiennent leur première exposition au musée d'Art haïtien en 1974. En 1976, Malraux meurt et les peintres lui rendent hommage à Nancy au Festival mondial de théâtre. Victime de son succès, le groupe éclate à la fin des années 1980. Aujourd'hui, il ne reste plus à Soisson que les sculptures du cimetière, qu'ornèrent les artistes, et la "légende de Malraux"...


Couleurs et chaleur au bout du pinceau:










mercredi 17 novembre 2010

Noir et blanc

Toujours pas de bonnes nouvelles, si ce n'est qu'il a - enfin! - fait beau toute la journée de ce mercredi et que la chaleur était la bienvenue.


Petit Bilan morose du jour:
- choléra: 1110 morts (toujours selon les statistiques tronquées de l'Etat)
- Plus de 18'000 hospitalisations
- Estimations de l'OPS (branche de l'OMS): 200'000 contaminés et 10'000 morts dans les 6 à 12 mois
- 1er cas en Rep Dom hier
- 1er cas en Floride aujourd'hui!
- Préval a d'ailleurs déconseillé à ses  sujets de boire l'eau filtrée et distribuée par les deux entreprises d'Etat (CAMEP et SNEP). On croit rêver!!!!
- Les manifestations se sont poursuivies à Cap-Haïtien où un homme a encore été tué, après les 2 morts de lundi.
- Les manifestations se sont étendues aujourd'hui mercredi à Port-au-Prince.
- Au sujet des manifestations "spontanées" des Haïtiens contre les casques bleus, lire ci-dessous l'édifiant éditorial de Frantz Duval du Nouvelliste, toujours aussi incisif, paru ce mardi. Quand je vous écrivais que le choléra pourrait bien être l'excuse toute trouvée pour reporter les élections présidentielles... 


https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=explorer&chrome=true&srcid=0B0URDZkeoMeRNjA2YzlkZTItMjc5ZS00MzVmLWIzNWYtNWNkMjBmNTQwNTBj&hl=fr&authkey=CKvV19YE



- De plus, la rumeur circule que la candidate Mirlande Manigat a désormais le soutien de Préval...
- Les deux enfants enlevés non loin d'ici n'ont pas été rendus à leurs parents malgré le paiement de la rançon...


Bon demain, c'est congé ici - célébration du 18 novembre 1803, date à laquelle les Haïtiens ont dehors mis les colons français permettant au pays de devenir la première nation noire indépendante en 1804... 
Demain, rando: visite des ruines des plantations de café sous la colonie dans le Plateau Central... avec une bonne réserve de bouteilles d'eau chlorée... 


Allez, un peu de douceur et de légèreté pour terminer:








dimanche 14 novembre 2010

"On meurt et tout le monde s'en fout"

Goudougoudou a eu 10 mois vendredi. Et la terre a à nouveau tremblé, en Haïti et à Santo Domingo - comme certains l'avaient prédit - provoquant panique et blessés... Le niveau des lacs de l'île est encore monté, un signe avancé, selon les sismologues et autres géologues, d'un séisme à venir...


En 10 mois, seuls 2 à 3% des 25 millions de mètres cubes de gravats et autres débris qui encombrent la capitale depuis le 12 janvier ont été déblayés. 
10 mois que plus d'un million au moins de personnes vivent dans des conditions infra-humaines. Dominées et agressées au quotidien, pour nombre d'entre elles, par cet hideux monument à la victoire d'une révoltante stabilité érigé par Aristide au Champ de Mars...






"Une journée dure ici une vie.
On naît à l'aube.
On grandit à midi.
On meurt au crépuscule.
Et demain, il faut changer de corps." 


Dans ces mots de Dany Laferrière, tout le poids de la dure mais si crue vérité du non-sens de la vie en Haïti. Pas étonnant, dès lors, qu'aucune loi, qu'aucun projet, qu'aucune promesse, qu'aucune valeur - surtout pas la vie d'autrui, pas même celles des enfants - ne soient respectés. A moins de 500 mètres de la maison des amis chez qui je loge, deux enfants de 12 et 15 ans ont été enlevés vendredi dernier à 20h00 dans la cour de leur maison contre une rançon de 300'000 dollars US chacun dans un pays où les 3/4 de la population vivent avec moins d'un dollar par jour!!!


On raconte ici cette blague qui fait beaucoup rire, les Haïtiens ont un grand sens de l'humour, de celui qui permet, parfois, de rendre les choses plus légères...


Le Premier ministre haïtien va rendre visite à son homologie dominicain.  Impressionné par la belle et grande maison de son alter ego, le Premier ministre haïtien lui demande comment il peut s'offrir un tel luxe. Le Premier ministre dominicain lui répond: "C'est facile: j'ai soutenu et accepté le projet d'une autoroute à quatre voies que tu peux vois là devant toi." L'Haïtien regarde l'autoroute et s'étonne qu'il n'y ait que deux voies. "Tu marches sur les deux autres voies", rigole le Premier ministre dominicain. 
Quelques mois plus tard, le Premier ministre haïtien invite à son tour son homologue chez lui. Ce dernier, stupéfait par ce qu'il voit, l'interroge sur le faste et l'immensité de sa maison. "J'ai suivi tes conseils: j'ai accepté le projet d'une autoroute à quatre voies", lui répond souriant son homologue haïtien. "Certes, mais je ne vois pas de route", s'étonne le dominicain. "Normal, tu marches dessus!" 


La barre des 1000 décès du choléra a été franchie et quelque 15'000 personnes sont hospitalisées, victimes de cette épidémie qui touche désormais six des dix départements d'Haïti. Et ce ne sont que les statistiques de l'Etat... "On meurt et tout le monde s'en fout", déclarait un homme d'un village du centre du pays durement frappé par le bacille... 
Les Dominicains vont sans doute fermer tous les postes frontières, quatre cas au moins y ont été recensés. Et on parle désormais de mettre Haïti en quarantaine... 


Lire à ce sujet, l'édifiant et excellent article du non moins excellent Frantz Duval du Nouvelliste, "La Bombe K", comme Kaka, Koléra, Korruption, et kaetera:


https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=explorer&chrome=true&srcid=0B0URDZkeoMeRZjc4YjM3ZGQtZmFlNy00OTAxLThmNjYtNTNjMmE4MjE4ZWNh&hl=fr&authkey=CNKgzvIH


Ayiti, réjouis-toi, tous ces événements qui s'entrechoquent t'assurent de rester présente dans la mémoire populaire de ce monde globalisé qui salive devant le sang de tes enfants...

mercredi 10 novembre 2010

Jacmel, la ville littéraire et artistique

Avant le cyclone, j'ai eu la chance de pouvoir me rendre à Jacmel (chef-lieu du Département du Sud-Est), la ville littéraire et artistique, également réputée pour son patrimoine architectural de la fin de l'ère victorienne et pour son carnaval.




Bâtie au fond d’un vaste golfe sur la mer des Antilles, cernée au nord par les montagnes, JACMEL a été fondée en 1698 par la Compagnie de Saint-Domingue. Son nom viendrait d’un flibustier, Jacques MELO, thèse que semble accréditer son ancienne orthographe française, JACQUEMEL. 

Après 1804, la ville participe à la lutte d’émancipation de l’Amérique latine. Le 12 mars 1806, le précurseur de l’indépendance vénézuélienne, Francisco de Miranda, crée dans cette baie le drapeau de son pays en surmontant du jaune de l’Espagne les bandes horizontales bleue et rouge du drapeau haïtiens. En 1816, JACMEL accueille le libertador vénézuélie, Simon Bolivar, qui en repartira chargé d’armes et de munitions et accompagné de nombreux volontaires haïtiens.

D’Alcibiade Pommayrac à Félix Morisseau-Leroy, pionnier de la littérature créole, l’essor économique de Jacmel s’est accompagné d’une pléiade de poètes et d’intellectuels. Deux grandes figures, qui ont puisé leur inspiration dans la ville de leur enfance, se sont distinguées au niveau international. René Depestre (né en 1926), auteur d’une féconde œuvre poétique et de romans «baroques», reçut, pour hadriana dans tous mes rêves, le prix Renaudot en 1988. De même, Jean Métellus (né en 1937) a publié de nombreux romans en France. En outre, JACMEL a aussi donné naissance à des maîtres de la peinture haïtienne: Célestin Faustin, Luce Turnier, et Préfète Duffaut…





On entre? Click...

mardi 9 novembre 2010

Le cloaque haïtien

Aucun pays n'aura bénéficié d'une telle couverture médiatique en 2010:
Séisme, tornade, épidémie de choléra, cyclone, élections présidentielles. 
Et ce n'est pas fini! Trois mois encore sous les feux de la rampe:
- Fin du mois, les élections présidentielles - si Préval n'arrive pas, entretemps, à 
convaincre la communauté internationale que l'épidémie de choléra est un obstacle à 
leur bonne tenue, le cyclone lui ayant fait défaut par sa "trop grande clémence"!;
- Début janvier, le triste premier anniversaire du séisme;
- et début février - normalement, l'intronisation du nouveau président d'Haïti.

Pas facile pour un si petit pays, si pauvre et si démuni d'assumer cette mise en 
lumière. Surtout lorsque rien ne se prépare. 
Sur le front des élections, outre les slogans plus plats les uns que les autres des
candidats, leur programme sans réelle ambition ni solution, c'est la violence qui pré-
domine... "Un brouillard épais que ni les sondages ni les débats qui se multiplient ne 
semblent pouvoir diluer,encore moins dissiper", écrivait aujourd'hui l'éditorialiste du Nouvelliste Franz Duval.

A cette confusion annoncée, Tomas est venu ajouter son désordre. Car,malgré 
sa "clémence", ce cyclone de pluies risque de laisser un lourd bilan. On raconte 
ici que si Tomas a finalement évité de passer sur le pays, c'est parce que Thomas est lepetit nom que les Haïtiens donnent à leur patrie (pour ceux qui connaissent la chanson Haïti Chérie). Bref, Tomas a cependant ravagé cultures, pêcheries, détruit routes et 
ponts, provoqué moultes glissements de terrain, sans oublier les milliers de nouveaux 
sans abris qui viennent rallonger cet interminable cortège de laisser-pour-compte. Au-
tant dire que les répercussions socioéconomiques seront importantes pour ce pays en 
situation de précarité extrême depuis le 12 janvier. Ajouté à cela le fait que l'arrivée de
Tomas coïncide avec une certaine flambée des prix des produits alimentaires sur le 
marché mondial, et vous aurez... une petite partie du tableau, malheureusement!

Car, la menace qui plane désormais, sans aucun doute l'une des plus graves, c'est une propagation plus rapide du choléra. La barre des 500 morts a déjà été franchie. On 
apprenait aujourd'hui la contamination de 73 personnes à la capitale dont 1 mort, et le décès de 31 personnes ce seul mardi 9 novembre dans la ville des Gonaïves, chef lieu de l'Artibonite sur la côte nord-ouest d'Haïti! Pis encore, faute d'hôpitaux et d'infra-
structures dignes de ce nom - une partie a été ensevelie sous les flots de Tomas - les morts ont été jetés dans les rues de la ville...

Une réalité avec laquelle chaque Haïtien et chaque Haïtienne doit aujourd'hui composer pour continuer à vivre. Ce qu'ils font et, il faut le dire, avec un courage rare. 
Mais le tableau n'est encore que succint. Je vous enjoins vivement à lire cet excellent
article de l'économiste Leslie Péan:

Pour ceux qui connaissent Haïti, cette magistrale synthèse résonnera en eux comme 
elle l'a fait en moi.
Pour ceux qui comptent se rendre dans ce pays - il y en a, prochainement!, je vous 
recommande vivement de lire cet article avant...
Pour les journalistes, dites-moi si, en Suisse, un tel article pourrait être publié dans
l'un ou l'autre de nos médias si comme il faut?

Pour conclure, une photo, une parmi tant d'autres, de ce cloaque omniprésent, 
prise dans un bidonville de PaP (Carrefour en bord de mer), avant le cyclone.
Essayez d'imaginer ce qui s'est passé avec le passage de Tomas et des rivières en furie
dévalant les mornes jusqu'à la mer - nos torrents de montagne à la fonte des neiges
ne sont que de pâles et inocentes copies.... 
Par endroit, la mer est montée de 2,5 mètres...



jeudi 4 novembre 2010

Préval ou Tomas? Quelle est la véritable menace?

Il pleut depuis 15h00 sur PaP. Quelques rafales de vent mais rien de bien méchant à cette heure où j'écris. Le gros est attendu durant la nuit.
On parle beaucoup de l'évacuation des camps, mais quand nous sommes descendus à Pétionville ce matin, aucun réfugié ne se préparait à partir, aucun camion ne les attendait pour les emmener ailleurs. La plupart arrimaient leur tente avec des sardines improvisées ou des blocs de béton. Certes, les rues étaient moins encombrées, les écoles étant fermées. Mais, les marchés plein air vendaient de tout comme à leur habitude...
(Cliché type de Port-au-Prince: les marchandes à même les trottoirs; derrière elles, un immense tas d'ordures nauséabondes; et en fond, un camp...)

L'ordre d'évacuation des camps de PaP lancé par Préval, par la force s'il le fallait, fait beaucoup jaser ici. Et nombreux sont ceux qui dénoncent Préval & Co pour avoir intentionnellement maintenu 1,5 million d'Haïtiens dans ces conditions de précarité extrêmes à des fins purement électorales. Rien n'a été entrepris par son gouvernement pendant 10 mois, alors en 2 jours, pensez-vous! ONG et UN sont donc à pied d'oeuvre... 

Pour revenir sur le sujet élections, après l'embuscade des journalistes se rendant à un meeting de Jacques-Edourad Alexis dans le nord qui a fait un mort, les jets de pierre contre la candidate Mirlande Maniguat lors d'un meeting dans le sud, voici ci-dessous un article du quotidien Le Nouvelliste sur l'affaire CharBaker. Et toujours le même nom que l'on cite: Préval...


      


(PétionVille, aujourd'hui. En arrière-plan, les nuages apportés par le furieux Tomas).

Baker dénonce et presse Préval

Le leader de RESPE, Charles-Henri Baker, dénonce l'attaque armée d'un commando contre la directrice exécutive de son parti, Mme Guirlene Cottin. Baker, dans une lettre ouverte, où il cite des sources qui laisseraient croire que des membres de la garde présidentielle faisaient partie de ce commando, a invité le chef de l'État à faire la lumière sur cette affaire.

Haïti: 
La directrice exécutive du parti RESPE, Mme Guirlene Cottin, a été victime d'une agression armée, chez elle, à Pèlerin 5, dans la nuit du 29 au 30 octobre 2010, a révélé le candidat à la présidence de cette structure politique Charles-Henri Baker dans une lettre ouverte adressée au président René Préval en date du 3 novembre 2010.
Plus d'une dizaine d'hommes armés de Uzi, vêtus de noir, de gilets pare-balles et de képis en laine ont empoisonné le chien de Mme Cottin, défoncé sa barrière, fait irruption chez elle et tiré plusieurs rafales dans sa chambre dont les impacts sont visibles sur les murs, a expliqué cette correspondance.
Les individus armés ayant essuyé une résistance armée de la part du compagnon de Mme Cottin ont, poursuit la lettre de M. Baker, indiqué qu'ils sont là pour ramener Mme Cottin vivante à Jude Célestin, le candidat de la plateforme présidentielle Inite. « Quel droit avez-vous de faire partie de l'opposition politique ? », ont dit les agresseurs, d'après M. Baker
« De multiples témoignages récoltés dans le quartier et dans la zone de Pèlerin ont confirmé des tirs et des mitrailles durant plus d'une heure trente. Selon d'autres sources fiables, il nous a été indiqué qu'il s'agissait d'une unité spécialisée de la garde présidentielle pilotée par un groupe d'amis zélés de votre entourage. Comprenez qu'à la lumière des faits et des témoignages de cette soirée, tout peut s'imaginer », a écrit M. Baker.
« Monsieur le président, nul besoin de vous dire la gravité de cette agression et combien elle exige de votre gouvernement les clarifications appropriées. La majorité des citoyens de notre pays mettent en doute la volonté de votre gouvernement à tenir des élections, libres, honnêtes et démocratiques, avec forte participation et sans intimidations », a-t-il poursuivi.
« Suivant les articles 19 et 23 de la constitution en vigueur, je vous rappelle l'impérieuse responsabilité que vous avez de garantir la sécurité de tous les citoyens, de tous les partis politiques, en particulier en période électorale », a conclu Charles-Henri Baker, qui a invité « la population haïtienne à se mobiliser contre toutes manoeuvres qui tendraient à porter atteinte au processus électoral, à la consolidation de notre démocratie ».

Secouée, remontée et déterminée
« C'est un crime politique. Le commando, bien organisé, coûte cher. Il était venu soit pour m'enlever, soit pour m'assassiner parce qu'il croyait que j'étais seule. Ils ont mitraillé ma chambre », a indiqué au journal Mme Guirlene Cottin. « Même si je ne suis pas intimidée, je suis cependant obligée de me mettre à couvert car mes enfants et ma famille sont inquiets », a-t-elle poursuivi en rejetant de manière énergique une quelconque implication de son ex-mari dans cette attaque.

La police enquête
Le soir de l'attaque, la police de Pétion- Ville s'était rendue sur les lieux, à Pèlerin 5. Elle a constaté des traces de sang et recueilli des douilles de 9 millimètres et de calibre 40. La cellule d'investigation du commissariat de Pétion-Ville avec la DCPJ et la police scientifique travaillent ensemble afin de vérifier si les douilles ne proviennent pas d'armes connues par la police », a confié le porte-parole de la PNH,Frantz Lerebours.
L'attaque perpétrée contre la directrice exécutive du parti RESPE intervient moins d'un mois avant les élections présidentielles du 28 novembre 2010.
Roberson Alphonse

Haïti dans l'oeil du cyclone

La tempête tropicale Tomas s'est renforcée et le cyclone arrive droit sur Haïti. La frappe est programmée durant la nuit de ce jeudi. Vents annoncés à 185km/h et surtout pluies très importantes.
Ce matin, température plus élevée que d'habitude, petit vent et les oiseaux sont presque tous muets. 
Electricité et Internet sans doute coupé.
A la bonne heure

mercredi 3 novembre 2010

Alerte rouge

L'alerte rouge a été décrétée sur tout le territoire, la tempête tropicale Tomas menaçant de se transformer en un ouragan de catégorie 1.

Haïti - Tomas : En visite à Jacmel, René Préval déconnecté de la réalité


Si la trajectoire reste conforme aux simulations Tomas sera: 
Vendredi 2:00 du matin à 242km des Cayes (Sud) et à 394km de Port-au-Prince; 
Samedi 2:00 du matin à 55km de Port-au-Prince et à 39km de Saint-Marc.

Aujourd'hui, en fin d'après-midi, par le biais d'un communiqué de presse officiel, le gouvernement haïtien a ordonné la fermeture de toutes les écoles pour 2 jours.
 



A lire (extrait du site web Haïti Libre):


Haïti - Tomas : En visite à Jacmel, René Préval déconnecté de la réalité
03/11/2010 12:52:10


Le président René Préval a effectué, mardi 2 novembre, une courte visite de 3 heures à Jacmel, sa première visite depuis le séisme de janvier dernier.

À la tête d’une délégation composée de Joanas Gué, Ministre de l’Agriculture, Alex Larsen ministre de la Santé publique, Mario Andrésol directeur général de la police ainsi que plusieurs autres personnalités du gouvernement, le chef de l’état a visité la ville de Jacmel, dans le cadre d’une tournée nationale sur la préparation du plan d’urgence visant à protéger la population du cyclone Tomas.

Interrogé par des journalistes sur la situation des sinistrés vivant sous les tentes dans les campements de Jacmel, la zone la plus vulnérables, René Préval a refusé catégoriquement de répondre à cette question, laissant le soin à Ronald Andris, le Maire-adjoint de Jacmel de répondre... Ce dernier toutefois a été incapable de fournir une réponse satisfaisante aux Journalistes.

Une rencontre s’est tenue à Cap Lamandou Hôte, avec les autorités des quatre départements du Grand Sud d’Haïti les plus exposés, notamment les Nippes, Grande Anse, le Sud-est et le Sud, sur les stratégies à adopter face au cyclone Tomas. Lors de cette rencontre, le chef de l’état a exprimé la préoccupation de son gouvernement et appelé à mobiliser la population afin de limiter les pertes de vie.

Le président Préval a déclaré que « le cyclone Tomas s’intensifie d’heure en heure, et pourrait causer autant de dégâts en Haïti que le cyclone Hazel en 1957. Il faut que la population ait l’accès à l’information » a-t-il  précisé.

Ces propos sont non seulement erronés, mais inutilement alarmistes et sans aucune relation avec la menace actuelle. Des déclaration irresponsables qui ne font que renforcer l’inquiétude, déjà grande, de la population. Le chef de l’État qui se trompe d’année, l’ouragan (1) Hazel a frappé Haïti le 11 octobre 1954 et non en 1957, était le pire ouragan de la saison cyclonique dans l’atlantique Nord. Il s’agissait d’un ouragan de Catégorie 4 qui tua plus de 1,000 personnes en Haïti. Tomas est actuellement une tempête tropicale avec une probabilité de devenir un ouragan de Catégorie 1. De plus, il affirme que la tempête Tomas s’intensifie d’heure en heure, une pure invention au moment de sa déclaration, qui ne repose sur aucune observation scientifique.

Enfin, il est presque risible d’entendre le chef de l’État déclarer « Il faut que la population ait l’accès à l’information » alors que le gouvernement n’a publié aucun nouveau bilan depuis samedi (Au moment où cet article a été écrit) sur l’évolution de la situation de l’épidémie de choléra dans le pays en raison de jours féries [!] et ce, malgré le niveau d’alerte sanitaire maximal (les jours de congés semblent pour le gouvernement prioritaires sur la situation de crise et l'information à la population).

Le président Préval a exigé des autorités départementales de l’administration publique du sud-est le démarrage du processus d’évacuation des zones à risques, des personnes vulnérables, sollicitant la collaboration de tous les secteurs pour mieux sensibiliser la population.

Mme Germaine Pierre-Louis, la présidente régionale de la Croix Rouge a déclaré qu’une évaluation a été faite dans les différents abris provisoires pouvant accueillir les personnes vivant dans les camps. Une structure a été élaborée également avec les différentes ONG œuvrant dans le département du Sud-Est pour faire face au cyclone Tomas et que du matériel de santé et des kits alimentaires sont disponibles dans toutes les communes du département.

Notons que pendant que les autorités locales parlent d’abris provisoires, presque tous les établissements scolaires habituellement utilisées dans ces situations ont été touchés par le séisme et fonctionnent sous des tentes, et ne peuvent pas être utilisés par la population... Après cette visite, la population, en particulier celle des camps, est loin d’être rassuré sur son sort.