Retour au pays natal

Qu'il soit cahier d'Aimé Césaire
ou énigme romanesque de Dany Laferrière,
chaque retour est une aventure sanguine,
une quête aux racines sous-marines de sa terre,
belle comme l'oxygène naissant,
forte à renverser les mondes aplatis,
accroupie devant la boulimie d'images,
bavarde et muette d'inquiétude, d'amnésie, de faim.
Lumineusement obscure
jusqu'au bout du petit matin...


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vendredi 1 novembre 2013

A lire

Paru dans Haïti Observateur, un hebdomadaire français-anglais-créole publié à New York, l'article du frère du pasteur Marco Depestre Junior sur le cinquantième du CMF et du CPRP.


50e anniversaire du Collège Méthodiste de Frères et de l’Ecole Normale de Frères :
Paul Decorvet conduit une imposante délégation suisse dans le pays

Par Etzer M. Depestre

L’Ecole Normale de Frères, plus connue sous le vocable de Centre Pédagogique Rural Protestant, et le Collège Méthodiste de Frères, célèbrent leur cinquantième anniversaire cette année. C’est, en effet en 1963, sous l’impulsion du pasteur Paul Decorvet, que ces deux entités débutèrent leur opération dans cette banlieue limitrophe de Pétion-ville,«sur un terrain couvert de broussailles et d’arbustes qui venait d’être acheté par l’Eglise Méthodiste d’Haïti (EMH). La vue sur la mer et la Plaine du Cul-de-sac était magnifique. Aucune clôture n’existait, ni n’était nécessaire. Le soir, on entendait le son des tambours lors des cérémonies vodou et le chant des anolis. »       
    Tout un cérémonial a été élaboré par les dirigeants de l‘Eglise Méthodiste d’Haïti, l’institution de tutelle. Le coup d’envoi a été donné à leurs locaux de Frères, le vendredi 25 octobre dernier, par le professeur Rosny Desroches, l’un de ses instigateurs. A part le représentant du ministre de l’éducation nationale qui devait prendre la parole, d’autres membres du pouvoir de l’état rehaussaient de leur présence cette cérémonie empreinte d’émotion. Il convient de noter la présence de Mme Ivanka Jolicoeur Brutus, mairesse de Pétion-ville, du député de ladite circonscription, Fredely Georges, du sénateur Andris Riche, du membre du Conseil Transitoire du Conseil Electoral Permanent, Léopold Berlanger et du pasteur Edouard Paultre, responsable du Conseil haïtien des acteurs non-étatiques.
    Une délégation de six membres est venue spécialement de Suisse pour participer à cet évènement. Conduite par le pasteur Paul Decorvet, premier directeur du Nouveau Collège Bird (NCB), elle incluait plusieurs anciens professeurs de ladite institution, du Collège Méthodiste de Frères (CMF) et du Centre Pédagogique Rural de Frères (CPRF).
    Sous la houlette du professeur Rosny Desroches, les festivités allaient débuter dans la sérénité requise avec la prière du pasteur Marco Depestre jr., secrétaire-général de la conférence du district de Port-au-Prince. Tandis que d’autres orateurs tels le professeur Jean Sainton fils, secrétaire du comité d’éducation de l’église méthodiste d’Haïti, le directeur du CPRF, M. Yves Henry, le pasteur Paul Decorvet, Mme Mary Lise Desroches, directrice du CMF, allaient s’adresser en de justes mots pour situer le momentum. Les pasteurs Edzaire Paul et Gesner Paul, respectivement directeur du bureau de l’éducation de l’EMH et président de la conférence méthodiste, allaient clôturer l’ordre du jour agrémenté de chants et d’interprétations musicales des élèves du CMF.
    Le jour suivant était destiné aux activités sportives et culturelles alors qu’un culte d’action de grâce eut lieu le dimanche 27 octobre dernier à l’église méthodiste de Frères qui était pleine à craquer. Les principaux officiants, à savoir les pasteurs Marco Depestre fils et Gesner Paul, comblèrent amplement l’attente des fidèles assemblés. C’est ce dernier qui livra le message à partir des versets bibliques tirés des Evangiles de Joël, Timothée et Saint Matthieu. De son coté, le docteur Guy Loutan prit la parole au nom de son père. Le message de l’ASAH, l’Association Suisse des Amis d’Haïti, principal bailleur desdites institutions, a été lu par le professeur Yves Gaudin. En final, les membres du personnel ayant plus de 20 ans de service ont été promus à l’ordre Honneur et Mérite par le comité spécialement formé à cet effet. Il s’agit de MM. St-Jean Pierre René, Mie Chantal Baptiste, Ricot Saint-Fort, Ilioma Louiseul, Adèle Napoléon, Miclet Denis, Télémaque  Emile, Claudette Alcindor, Andrelia Florestal, Torcel Jean Frito, Molina Morines, Enel Theodore, Carole Dorno, Joachim Jacques, Mariani Honoré, Gabriel Camille, Madeleine Bernard, Job Aristide, Pierre-Louis Michelin, Joseph Yves Henry, Marianne Balaman Julsaint et Mme Mary-Lise Desroches. Tous nos compliments aux récipiendaires dont Mme Desroches qui compte quarante quatre ans de service à la direction du Collège Méthodiste de Frères.   
             
Une gageure digne de 50 chandelles 
Le CMF et le CPRP sont nés pratiquement dans le sillage du Nouveau Collège Bird qui avait vu le jour en 1960 avec la crème de l’intelligentsia haïtienne dont Lesly Manigat, Ghislain Gouraige, Edner Saint-Victor, Franck Saint-Victor… A cette époque, le pays allait être dépouillé des cadres de l’enseignement qui fuyaient la dictature duvaliériste. Celle-ci étendait son manteau contre vents et marrées, François Duvalier se métamorphosant en Papa Doc pour le plus grand malheur de ce pays. Des centaines de professeurs et de professionnels de tous crins partaient désespérément vers le Canada et l’Afrique principalement. Afin de relever ainsi le défi de la conjoncture, il fallait parer au manque flagrant d’instituteurs qualifiés. L’Ecole Normale de Frères débuta ses premières opérations dans de telles circonstances. Mais, selon le pasteur Paul Decorvet, le NCB pourvoyait l’élite sociale et économique de Port-au-Prince, la capitale, et il fallait palier à cette situation en créant de toutes pièces le CMF. Tout comme d’ailleurs d’autres écoles d’obédience méthodiste et protestante dont l’une à Deschapelles, dans l’Artibonite, sous l’égide d’un philanthrope américain, le docteur Mellon.  
    Si le pasteur Ormonde Mc Connell, chairman de l’EMH qui a consacré toute sa vie au protestantisme haïtien, et le pasteur Paul Decorvet semblaient gagner leur pari, plusieurs embuches s’élevèrent de manière coriace dans le paysage politique. Après l’affaire Barbot ou de jeunes rejetons du dictateur François Duvalier faillirent laisser leur peau, celui-ci commença à montrer ses dents. On montra la porte au pasteur Decorvet et la majorité d’instituteurs suisses le suivirent sans ambages. L’église méthodiste d’Haïti peina, mais réussit tout de même à surmonter tous les problèmes qui surgissaient immanquablement sous l’instigation de l’ubu tropical doublé de Papa Doc. Les dictateurs passent, mais les institutions demeurent.
    Les ponts n’étant pas rompus pour autant avec l’Association Suisse des Amis d’Haïti (ASAH), tous les espoirs étaient permis. De leur patelin, ces fidèles amis d’Haïti et du peuple haïtien ont soutenu avec zèle et dévouement le projet de procurer un enseignement de choix dans le pays. La pédagogie dite active a fait son bonhomme de chemin pendant ces cinquante dernières années. Que ce soit au Collège Méthodiste de Frères ou à l’Ecole Normale de Frères, des milliers d’étudiants y adhérent tous les ans, pour le plus grand bonheur des parents, heureux de constater que leurs enfants s’épanouissent dans un environnement sain et prometteur. Ils réalisent, avec une légitime fierté, que l’éducation reste le moyen le plus sur pour libérer les prochaines générations des maux séculaires qui affligent le peuple haïtien. 
    Les 50 ans de l’Ecole Normale de Frères et du Collège Méthodiste de Frères sont pour tous un moment de réflexion sur la volonté d’agir, de concrétiser des rêves et de conduire des projets à terme. Les effets dévastateurs de la dictature sévissant alors dans le pays n’ont aucunement atténué l’amour que vouaient les enseignants suisses pour notre pays. Tout au contraire, des liens étroits, entretenus et tissés dans la chaleur des petits matins haïtiens, ont raffermi la ferveur de leurs ambitions sans borne pour une population qui n’était pas née pour un petit pain. En découvrant le jeu injuste de l’histoire, ils sont devenus des Haïtiens à part entière.  « L’esprit du Christ les anime », comme ils l’ont prouvé. 
     Puissent les dirigeants du CMF, du CPRP et de l’Eglise Méthodiste d’Haïti, trouver ici l’expression des vœux les meilleurs d’Haïti-Observateur. Quant aux membres de l’Association Suisse des Amis d’Haïti, qu’ils soient rassurés que le bon grain ne se perd jamais. Haïti, le pays debout et de l’éternel sourire, se souviendra !  

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